L'Oeil d'Egal Sport

12/06/2023

 

 

Cours d’école actives…. Un petit pas qui ne suffit pas ! 

 

 

 

 

C’est officiel, 3 mois après l’annonce du programme « Cours d’école actives » par la Ministre des sports, le 6 mars dernier, lors de l’atelier d’Impulsion Politique et de Coordination Stratégique (IPCS N°6) sur le  sport féminin, l’Agence Nationale du Sport vient d’ouvrir les candidatures1.

Une concrétisation qui doit réjouir la géographe du genre, Édith Maruéjouls qui, de longue date, fait du réaménagement des cours d’école primaire son cheval de bataille.

Invitée à l’une des tables rondes de l’IPCS N°6, elle expliquait pourquoi les cours de récréation,  « véritables espaces publics miniatures, sont le lieu des premières inégalités en particulier entre filles et  garçons ».

Voici ce qu’Egal Sport a retenu de son intervention :

La géographe du genre analyse ces espaces scolaires et les relations qui s’y nouent : jeux de ballons au  centre pour la majorité des garçons, « petits jeux » dans les coins pour la plupart des filles  « disqualifiées », moins fortes, moins rapides, moins capables, 

Accepter de partager y est rarement vécu par les garçons comme une action positive mais plutôt comme  une contrainte, celle de devoir laisser sa place. Les quelques filles qui forcent le passage doivent avoir  démontré un niveau de jeu souvent bien meilleur que la moyenne des garçons. Les rares garçons qui  s’essaient aux jeux des filles, malgré un accueil favorable, hésitent à persister en raison des moqueries  de leurs homologues masculins.

Bien que l’école soit mixte depuis 1976, les cours d’école traditionnelles démontrent que la mixité est  loin d’être réellement vécue par les élèves. Laissés libres dans leurs jeux durant les temps de récréation, les clans sexués se forment et n’interagissent que très rarement. Sans ces échanges où s’expérimente  la négociation, pas de régulation et surtout, pas de remise en cause des stéréotypes sexués, source  première des inégalités et des violences entre les femmes et les hommes.

Pour aller plus loin dans l’analyse nous vous recommandons la lecture de sa dernière publication « Faire  je(u) égal ».

Pour en revenir au programme « Cours d’école active », les projets présentés à l’ANS devront « concourir au développement des activités physiques et sportives en milieu scolaire et à l’amélioration du partage équitable de l’espace entre filles et garçons par la mise en place d’aménagements (traçages) ludiques et sportifs, utilisables dans les moments récréatifs et dans le cadre des séances d’activités  physiques et de motricité (par exemple dans les cours d’EPS) ».

Doté d’un fonds d’1 Million d’euros en 2023, il s’adresse aux collectivités territoriales labellisées Terre  de Jeux 2024 / Action Coeur de Ville / Ville active et sportive, propriétaires des établissements scolaires  du 1er degré. Il permettra d’accompagner 200 établissements.

Alors que la France compte 14 283 écoles maternelles et 30 085 écoles élémentaires, c’est un infime  pourcentage (0,66%) d’établissements qui seront concernés. Il ne reste plus qu’à souhaiter que cet  effet d’annonce motive un grand nombre de collectivités territoriales, celles non primées ou pas encore  convaincues de cette nécessité.

A Egal Sport, nous le sommes ! la lutte contre les stéréotypes sexués dans le sport est l’un de nos plus  chers combats. Notre experte Nicole Abar ne cesse de sillonner le territoire pour porter ce message et  pour expliquer l’importance que la conquête de l’espace revêt pour les petites filles. C’est en proposant  une éducation motrice débridée et non stéréotypée que les enfants construiront leur personnalité en  acquérant une pleine confiance dans leur corps, une plein aisance dans l’espace, s’accepteront les uns  les autres sans discrimination de sexe. 

Si les cours d’école réaménagées sont un des leviers pour y arriver, la formation des encadrants en est  un autre. Et là, tout reste à faire au sein de l’enseignement primaire2.

En effet depuis 2022, l’épreuve du nouveau Concours de Recrutement de Professeurs des Ecoles (CRPE),  minimise fortement les contenus d’apprentissage en EPS (épreuves optionnelles). D’autre part, dans les  maquettes du Master Métiers de l’Enseignement et de l’Education du 1er Degré (MEEF), les horaires  dédiés à l’EPS ont été réduits, passant en quelques années de 100 heures à 50 heures, parfois même 24  heures aujourd’hui dans certains INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Education) ! Pour rappel, à la création des IUFM dans les années 90, l’épreuve EPS comportait 3 parties :

 

o Une épreuve de natation (actuellement un brevet de 50 mètres suffit),

o Une épreuve physique qui permettait aux étudiant.es de se poser des questions sur leur propre  pratique sportive

o Une épreuve d’entretien sur la base des 4 APSA (Activités Physiques Sportives et Artistiques) les  plus couramment enseignées à l’école primaire (natation, athlétisme, jeux et sports collectifs et  danse).

 

Rappelons enfin que « les Assises de la maternelle », organisées en mars 2018, n’ont pas accordé un  seul atelier à l’EPS !

Si la France veut devenir une grande nation sportive c’est en réussissant à donner le goût des activités  physiques dès le plus jeune âge. L’école peut-être le lieu idéal, à la condition que filles et garçons  puissent découvrir et expérimenter ces pratiques sans qu’un cadre sexué, prédéfini ne leur soit proposé. Seuls des enseignant.e.s formé.e.s à la déconstruction

 

 

 

1 https://patrickbayeux.com/actualites/un-fonds-dedie-pour-lamenagement-des-cours-de-recreation-dans-les etablissements-scolaires/des stéréotypes sexués peuvent y veiller en pleine  connaissance et conscience.

2https://pedagogie.snepfsu.fr/2021/09/01/la-formation-en-eps-des-professeur%E2%88%99es-des ecoles/